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Thierry MEYER, Président de Routes de France, s'exprime sur l'action "Routes Barrées"

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Élu le 6 mai 2020 à la Présidence de Routes de France – Bretagne, Thierry MEYER a pris position sur un enjeu d’importance : la santé et la sécurité des salariés sur les chantiers avec la volonté affirmée de réduire l’accidentologie : « nous militons pour travailler en routes barrées et déviées ».

A cette fin, le 11 mars dernier un courrier était adressé à l’ensemble des élus bretons. Objectif : les sensibiliser à la protection des ouvriers et des encadrants de chantier. Levier d’action et de correction : l’anticipation. De manière aussi à gagner en temps d’exécution !

 

 

D’entrée de chantier - pour ne pas dire d’entrée de jeu - vous soulignez comment travailler en « routes barrées et déviées » vous rendrait tout simplement plus productif. Sous quelle forme ?

Thierry MEYER

On gagnerait tout simplement en rapidité d’exécution.

Prenez un chantier de 500 m de long : on va d’abord intervenir d’un côté, en demi-chaussée, ce qui signifie mettre en place la signalisation, les cônes mais aussi des feux, les régler, barrer la route… Ceci dès le matin quand nous arrivons sur place, ce qui prend du temps. A côté de cela, nous devons ensuite être très précautionneux au regard de nos engins qui interviennent, surveiller quand un autre véhicule arrive sur la voie, donc se ranger sur le côté… Nous sommes toujours en hyper vigilance, croyez-le bien.

A contrario, en « routes barrées et déviées » avec une parfaite emprise sur le chantier, nous serions en capacité d’avancer beaucoup plus vite, sur une route comme en aménagement urbain ou en VRD : un gain de temps qui monterait jusqu’à 25%.

Travailler hors circulation permet en outre au maitre d’ouvrage de bénéficier de coûts de production optimisés.

Barrer, réaliser le chantier et s’en aller plus vite avec au final des riverains « ennuyés » le moins longtemps possible : voilà la bonne dynamique pour que tout un chacun soit au final satisfait, non ?

 

D’autant plus que vous avez toujours été attentifs à la bonne compréhension de l’usager face à la zone de chantier versus la zone de circulation…

Tout à fait. Rien de plus agaçant pour un usager de rentrer un soir chez soi et de tomber sur un panneau « route barrée ». Pour éviter cela, dès la préparation de tout chantier, cela passe par de l’affichage, la distribution de flyers, la tenue de réunions publiques. En amont du démarrage des travaux, il convient d’aviser les riverains et les commerçants.

Avec un constat très simple : quand on avise les gens, quand on leur explique que « oui, on va barrer la rue mais le chantier durera moins longtemps, et nous travaillerons dans de meilleures conditions de sécurité », ils comprennent les enjeux, puisqu’il qu’il va s’agir à terme d’améliorer leur cadre de vie.

Manière aussi d’éviter des accidents. Et, sur ce point, la profession a déjà progressé, il faut le rappeler…

Indéniablement, avec de moins en moins d’accidents. Cela tient à nos modes opératoires, à la mécanisation des tâches , à nos équipements individuels et collectifs, ainsi qu’à nos comportements. Mais si les accidents de circulation sont certes à faible occurrence, quand ils surviennent, ils ne pardonnent pas. On ne parle pas ici de « bobologie ». 

Les accidents les plus graves sont bien ceux où l’on voit des piétons, qu’ils soient travailleurs ou riverains, se faire heurter par un véhicule. On pense spontanément aux fameux « hommes en orange », les intervenants de la DIRO que l’on voit aussi sur nos chantiers.

Bref ! Seuls et avec uniquement des casques et chaussures de sécurité, nous n’y arriverons pas. D’autant plus que cette question de sécurité concerne nos salariés comme les intervenants, nos sous-traitants, les laboratoires qui viennent faire des essais et des contrôles, les maitres d’œuvre et maitres d’ouvrage…

C’est bien pourquoi notre profession souhaite que le chantier « route barrée » devienne la règle.

D’où cette action de sensibilisation en direction des élus…

Oui et c’est bien d’une première qu’il s’agit. Tout va se mettre en place au niveau des modalités via notre organisme formateur : l’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics). Il s’agit bien d’éveiller encore plus nos Maîtres d’Ouvrage à cette question. Notre message est le suivant : tout repose sur l’anticipation.

Ce qui signifie que tout doit se préparer dès la rédaction des appels d’offre et de l’organisation des chantiers. Faut-il barrer un ou plusieurs kms en amont ? Comment faire en sorte que l’usager ne soit pas perdu ? Or, c’est bien dans la définition du besoin que tout doit être envisagé. Nous y sommes très sensibles.

Et ceci vaut pour tous les itinéraires, de la rue dans une petite commune à un gros axe comme une « deux voies ». Ici, il va s’agir de barrer sur plusieurs kms de long et de s’assurer que cela ne crée pas de point de congestion. Mais on ne peut dévier une route nationale par un petit centre bourg, on l’imagine aisément. Ces modalités doivent être anticipées et étudiées au cas par cas.

Barrer une route et mettre en place un itinéraire de déviation nécessite de bien répondre à toutes ces questions : est-il adapté pour les piétons, les cyclistes, les tracteurs, les poids lourds ? Quelles conséquences pour les transports scolaires, le ramassage des déchets ?

Bref ! Une route barrée suppose un itinéraire de déviation, qui doit être étudié, clair, lisible et adapté. On le comprend : cela suppose de se pencher dessus tôt. Ensemble.